16 janvier 2007

















Deux messieurs idiots et ingénieurs m'ont rendu visite. Je les avais entendus parler pendant qu'ils descendaient la côte. L'un expliquait à l'autre qu'il adorait les sapins.

— Port Lligat est trop pelé, disait-il. J'aime le sapin, pas tellement pour l'ombre que je n'utilise jamais. J'aime tout simplement le voir. Un été sans voir un sapin, ce ne serait pas un été pour moi.
Je me dis : "Attends, toi ! Je t'aurai avec tes sapins !" Je reçois très aimablement ces deux messieurs, me contraignant à une conversation cent pour cent meublée de lieux communs. Ils m'en sont très reconnaissants, mais arrivés à la terrasse où je les reconduis, ils remarquent mon monumental crâne d'éléphant.
— Qu'est-ce que c'est ? demande l'un.
— Un crâne d'éléphant, dis-je. J'aime beaucoup les crânes d'éléphants. Surtout l'été. Il me serait difficile de m'en passer. Je ne conçois pas l'été sans crâne d'éléphant.
Salvador Dali, Journal d'un génie.

Ci-dessus : détail d'une photo achetée aux Petits Riens d'une toile de Nicolaas Riegen (Amsterdam 1827-1889), "La rentrée".