13 octobre 2008

Il fait encore beau. Le temps que je préfère à Bruxelles : doux et lumineux le matin, du ciel bleu, des petits nuages moutonneux en fin d'après-midi, et, le soir, la brume automnale qui estompe les arbres à un bout de ma rue et le parlement à l'autre, la fameuse brume d'où je m'attends toujours à voir sortir Morticia Addams, au bras de Gomez, tous deux remontant lentement vers l'église Saint-Antoine...
J'ai la forme, et en même temps j'ai envie de m'en prendre à quelqu'un qui ne m'a rien fait. Allez, hop, Jean d'Ormesson ! Sur la page du Monde des livres repliée sur mon bureau, une publicité pour son dernier livre : Qu'ai-je donc fait. D'abord le titre, vous trouvez ça euphonique ? Plus je le lis imprimé en corps 56, plus je me dis que dans une traduction à moi ce serait souligné en gras depuis un bon moment. Ensuite l'extrait.
"Je me retourne encore une fois sur ce temps perdu et gagné et je me dis, je me trompe peut-être, qu'il m'a donné — comme ça, pour rien, avec beaucoup de grâce et de bonne volonté — ce qu'il y a eu de meilleur de toute eternité : la vie d'un homme parmi les autres."
Cet "homme parmi les autres" me pose vraiment problème, Jean. Le reste aussi. Mais je sais que c'est injuste de critiquer un extrait hors contexte, et j'aime bien ta photo.

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Mon tableau de bord Blogger est plein de brouillons de messages abandonnés. En faisant le ménage, je tombe sur ça :
On sait qu'on est vieux quand on mange des lentilles avec du riz complet en parlant avec excitation des Post-it marque-pages.
Quelques phrases que je vais essayer de moins dire cette année :
Je vais le faire, ça ira plus vite. Je vais traduire le livre toute seule, ça vaudra mieux. Trois mois et demi, pas de problème à priori.

J'avais l'air un peu aigrie, non ? On sait qu'on est sur la mauvaise voie quand on commence à s'autociter sur son blog.

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À côté de la publicité pour Jean d'Ormesson, un article intitulé Dans l'ensemble le français ne se porte pas si mal que cela. Eh, eh, eh ! Il est question de trois livres sur les expressions en français. Le premier, On va le dire comme ça, Dictionnaire des expressions quotidiennes me fait envie, surtout à cause du titre ! Le descriptif du livre, un peu moins. Et puis il y a ça : "Côté créativité, autant le dire d'emblée familièrement, ça démoule sa race. Les auteurs des expressions d'aujourd'hui sont souvent cruels avec leurs congénères, ont peu d'estime pour les animaux à corps mou et dépotent rapido." Démoule sa race ? Dépotent rapido ? C'est dans ce livre qu'il a appris à parler comme ça, le journaliste ? Je ne sais pas si c'est une question de régionalisme, mais moi ça ne me parle pas.

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Alors, Le Clezio, bon. Disons que ça va peut-être me donner l'occasion de découvrir des choses que j'aime dans ses livres. Il faut juste que je finisse d'abord le Projet de Jacques Roubaud. J'en suis pour l'instant au début du tome 2, La Boucle ; ce qui veut dire que j'ai à peu près 2000 pages devant moi et je n'avance pas très vite, parce que :
Une des propriétés les plus évanouissantes des souvenirs, peut-être origine de quelques-unes des "solutions" les plus étranges à la question du temps, aussi ancienne que la pensée même, est en effet la vitesse. Au paradoxe premier de la course dans l'espace, celle de franchir une infinité au moins de points épelables (potentiellement), on est tenté de "répondre" en ajoutant un seconde paradoxe, celui non seulement d'une infinité avalée d'instants (qui ne résoudrait rien (on ne résout rien non plus en fait par le second paradoxe, mais on peut en avoir au moins l'illusion) mais celle d'une domination des franchissements temporels sur les distances spatiales, plus matériellement inertes, en un mot, par une suffisante vitesse : le souvenir absorbe l'infinité des points visibles en se donnant (en disposant de) une infinité plus grande, multiplicativement plus grande pourrait-on dire, d'instants infiniment plus courts.

Multiplicativement plus grande pourrait-on dire... J'adorerais pouvoir utiliser ce genre de formule.

D'autres livres que je ne regrette pas d'avoir achetés : Le Bouquet des expressions imagées de Claude Duneton et Sylvie Claval ; L'Etrange cas de madame Huillet et monsieur Straub : comédie policière avec Danièle Huillet, Jean-Marie Straub et le public, de Philippe Lafosse. Le premier, c'est surtout si vous avez un livre à traduire rapidos (rapido ?) ; le deuxième m'a complètement emballée. Très drôle, et je crois qu'on peut l'apprécier même si on déteste les Straub (que personne ne se sente visé !). J'essaierai d'y revenir. Parce que là, je crois que ça suffit, non ? À bientôt !