portrait pas très ressemblant de William Saroyan par LL
Ce petit livre est passé par toutes sortes d'aventures avant d'arriver entre mes mains, mais dès que j'ai commencé à le lire, j'ai compris qu'il irait directement dans ma bibliothèque idéale. Je l'aime tellement que je ne veux pas lire d'autres livres de cet auteur, de peur d'être déçue. Dedans, William Saroyan achète une vieille limousine pour traverser les Etats-Unis et recrute son cousin John, un écrivain raté, pour l'écouter pérorer sur tous ses sujets favoris. Comment William aurait fait, à la place de Fellini, pour montrer que l'homme est insondable ; pourquoi il est à la fois jaloux et pas jaloux d'Ernest Hemingway ; pourquoi ce dernier n'a pas du tout influencé son écriture ; pourquoi il faut toujours beurrer tout le pain qu'on vous sert au restaurant et l'emporter avec soi, etc., etc.
Si vous n'aviez pas l'intention d'acheter des livres en ce moment, achetez quand même celui-là. Il coûte 5€50 en poche, et il est orné de petites cartes géographiques incompréhensibles (retraçant le voyage entre New York et Fresno).
Echappée en roue libre (Short Drive, Sweet Chariot), William Saroyan, 1966. Buchet/Chastel, 2003 ; traduction de Françoise Jaouen. Aussi en Livre de Poche.
(John) — Je n'oublierai jamais avec quelle rapidité, quelle talent, quelle aisance tu as envoyé la limousine s'enfoncer jusqu'aux genoux dans la terre fraîche, pour ensuite vite rétrograder et la faire bondir de deux mètres pour l'enfoncer encore plus, pour ensuite passer la marche arrière en secouant la limousine d'avant en arrière en faisant beaucoup de poussière, pour ensuite couper le moteur et sortir.
(William) — Il m'arrive de faire des erreurs.
(John) — Tu les fais comme si ce n'étaient pas des erreurs, en tout cas.
(William) — Je les fais de manière efficace et rapide, si c'est ce que tu veux dire. Il ne m'a fallu que onze secondes. Avec quelqu'un d'autre, il aurait bien fallu deux bonnes minutes pour être coincé à ce point.
(John) — Oui, c'était une démonstration parfaite de la bonne manière de prendre la mauvaise décision.
(William) — Je fais ce voyage en voiture à travers le pays justement pour apprendre ce genre de choses. Je suis allé chercher la pièce que le bulldozer avait arrachée du pare-chocs, non ? J'ai attrapé le bateau, non ? On est là en train de manger, non ? Dans la salle à manger du Ann Arbor n°7, non ? Je fais un amorti sur la balle que je renvoie au joueur de l'autre côté du filet pour qu'elle rebondisse à faux en le laissant sur place la bouche ouverte, non ? J'ai six tranches de pain beurré enveloppées dans des serviettes de papier dans la poche de mon manteau, non ? Merde, j'aimerais bien que mon père puisse me voir maintenant.
Si vous n'aviez pas l'intention d'acheter des livres en ce moment, achetez quand même celui-là. Il coûte 5€50 en poche, et il est orné de petites cartes géographiques incompréhensibles (retraçant le voyage entre New York et Fresno).
Echappée en roue libre (Short Drive, Sweet Chariot), William Saroyan, 1966. Buchet/Chastel, 2003 ; traduction de Françoise Jaouen. Aussi en Livre de Poche.